En raison des restrictions dues à la COVID, les quarts de travail de notre personnel sont fractionnés. Lorsque je suis arrivée au travail un lundi après-midi, un membre du personnel m’a informée qu’un patient de longue durée m’avait appelée pour me demander de voir sa tante de 101 ans, qui est également une patiente. Elle voyait depuis quelques jours une grosse tache noire devant son œil gauche.
Notre personnel lui a demandé de se rendre à l’hôpital le plus proche où il y avait un ophtalmologiste de garde. Nous sommes dans une zone rurale et nous n’avons pas de service d’ophtalmologie dans notre hôpital local. Il était bouleversé car sa tante vit dans une maison de retraite et ils ne voulaient pas qu’elle aille à l’hôpital. Lui aussi pensait que la patiente n’était pas en état de se rendre à cet hôpital et d’attendre pendant on ne sait combien de temps avant d’être examinée. Il a clairement dit qu’il ne la conduirait pas à l’hôpital. Son médecin était lui aussi absent pour les trois jours à venir. J’ai décidé de voir cette patiente parce que je savais que son médecin traitant ne serait pas en mesure d’examiner, de diagnostiquer et de traiter ce type de symptômes.
Elle ne se sentait pas bien mardi, mais elle est quand même venue à son rendez-vous. Elle m’a dit que sa vision était très importante pour elle. « Je ne veux pas devenir aveugle ». Garder le masque tout au long de son examen a été difficile pour elle. Même marcher dans le couloir jusqu’à ma chaise d’examen était difficile pour elle. Je me demande comment elle a pu se débrouiller aux urgences d’un hôpital.
Lors de son dernier examen annuel en 2019, la vision de cette patiente était excellente mais le diagnostic avait montré une membrane néovasculaire choroïdienne importante causée par une dégénérescence maculaire humide. J’ai contacté notre ophtalmologiste local et pris des dispositions pour qu’elle soit examinée en vue d’un traitement. Je lui ai expliqué sa situation compliquée et lui ai parlé de sa santé fragile, et il m’a assurée qu’il ferait de son mieux pour éviter tout temps d’attente dans son cabinet.
Je ne peux m’empêcher de repenser à la réponse que nous avons reçue du gouvernement durant la COVID, à savoir que les optométristes n’étaient pas des professionnels de santé de première ligne indispensables. Je ne crois pas que cette dame extrêmement vulnérable aurait pu avoir accès aux soins d’une autre manière. Son neveu nous a clairement fait savoir que les autres alternatives n’étaient pas une option pour eux. Cette patiente a été vue immédiatement dans notre bureau à son arrivée et sa visite chez l’ophtalmologiste sera gérée efficacement car ils ont déjà un diagnostic et connaissent son état de santé général.
Des cas comme celui-ci se produisent chaque semaine dans notre cabinet. Cette patiente, ainsi que toutes les autres comme elle, méritent les meilleurs soins possibles. Cela suppose de recevoir un diagnostic et un traitement efficaces. Et cela suppose aussi de regarder la situation dans son ensemble et de participer à l’amélioration de la qualité de vie de nos personnes âgées.